Université de Montréal

10/16/2024 | Press release | Distributed by Public on 10/16/2024 15:22

Twitter: un miroir de l'adhésion aux mesures sanitaires durant la pandémie de COVID-19

Le recours aux réseaux sociaux - et plus particulièrement à Twitter - a-t-il réellement reflété l'adhésion de la population aux mesures de santé publique pendant la pandémie de COVID-19?

C'est la question qu'ont explorée Hélène Carabin, professeure au Département de pathologie et microbiologie de la Faculté de médecine vétérinaire et au Département de médecine sociale et préventive de l'École de santé publique de l'Université de Montréal, et l'épidémiologiste vétérinaire José Denis-Robichaud, en collaboration avec Erin Rees, de l'Agence de la santé publique du Canada.

Pour ce faire, elles ont analysé plus de 40 000 réponses obtenues par la firme Angus Reid à l'occasion de 27 vagues de sondages effectués de septembre 2020 à mars 2022 auprès de la population canadienne.

«Nous cherchions à savoir à quel point les gens ont utilisé Twitter [rebaptisé X depuis] et quelle a été son incidence sur l'adhésion aux mesures sanitaires en vérifiant s'ils ont parlé de la pandémie sur ce réseau social et, si oui, s'ils ont commenté les mesures de santé publique et sur quel ton ils l'ont fait, explique Hélène Carabin. En même temps, nous souhaitions comprendre comment ils se sont comportés et s'il existe une relation entre leurs comportements et leur utilisation des médias sociaux.»

Une utilisation et une influence limitées

Hélène Carabin et José Denis-Robichaud

Crédit : Courtoisie

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, seuls 20,6 % des Canadiens et Canadiennes ont utilisé Twitter pendant la période étudiée et, parmi eux, moins d'un tiers (29,9 %) ont tweeté à propos de la COVID-19, selon l'article scientifique publié dans le Journal of Medical Internet Research.

Par ailleurs, seulement 11 % des personnes sondées ont déclaré ne pas respecter les mesures de port du masque et 10,8 % avoir refusé la vaccination. Les gens qui recouraient à Twitter pour s'exprimer au sujet de la COVID-19 avaient, en général, un degré d'adhésion plus faible au port du masque et à la vaccination que ceux qui n'utilisaient pas la plateforme, mais ce sont les individus qui étaient critiques des mesures sanitaires dans leurs tweets qui y adhéraient le moins.

L'étude met également en lumière des différences régionales et linguistiques. «Il y avait moins d'utilisateurs et utilisatrices de Twitter au Québec qu'ailleurs, note José Denis-Robichaud. Mais lorsqu'ils étaient fâchés contre les mesures sanitaires dans leurs tweets, ça se reflétait plus dans le comportement des francophones que des anglophones.»

Cela s'illustre d'ailleurs par le fait que, parmi les personnes qui ont critiqué les mesures sanitaires, les francophones étaient sept fois plus susceptibles de ne pas porter le masque, comparativement à celles qui n'utilisaient pas Twitter. Pour leur part, les anglophones critiques étaient quatre fois plus susceptibles de ne pas porter le masque.

Ainsi, Hélène Carabin, José Denis-Robichaud et l'équipe de recherche sont les premières à montrer que, sur le plan individuel, il y a une corrélation entre la façon dont les gens ont réagi aux mesures sanitaires et ce qu'ils disaient sur Twitter.

Malgré cette découverte, les chercheuses se gardent d'interpréter les résultats de façon trop hâtive. «Les caractéristiques sociodémographiques des utilisatrices et utilisateurs des médias sociaux ne sont pas représentatives de la population générale, ce qui doit inciter à la prudence lors de l'utilisation de micromessages pour évaluer les comportements à l'échelon de la population générale», avertit Hélène Carabin.

Utiliser ou non les réseaux sociaux lors d'une autre pandémie?

L'étude ouvre de nouvelles perspectives pour les chercheuses, qui envisagent déjà la suite.

«Nous voulons savoir si, dans l'éventualité d'une nouvelle pandémie, il serait possible d'utiliser X ou d'autres réseaux sociaux pour voir si les gens parlent des mesures de santé publique et de quelle façon ils en parlent afin d'estimer le taux d'adhésion aux mesures sanitaires», expliquent-elles.

À cet égard, elles travaillent sur l'amélioration des outils d'analyse des micromessages. José Denis-Robichaud a présenté les résultats préliminaires d'un projet de recherche au congrès international francophone Adelf-Epiter, qui a réuni les épidémiologistes francophones de terrain à Limoges en juillet dernier.

L'objectif était d'évaluer la capacité d'un algorithme de lire et classer les messages publiés sur X selon le ton des messages et de comparer les résultats avec un classement effectué par des non-spécialistes.

«L'algorithme a été bon pour classer les types de mesures de santé publique dont il était question dans les messages, mais pas pour les grouper selon le ton ou le sentiment exprimé par les gens, souligne José Denis-Robichaud. Mais récemment, nous avons utilisé la version 4.0 de ChatGPT, qui s'est avérée presque aussi compétente que les humains pour trier les messages en fonction de leur ton.»

La prochaine étape consiste donc à utiliser ces outils améliorés pour analyser l'incidence des opinions exprimées sur X sur l'efficacité réelle des mesures de santé publique.

«Dans l'éventualité où les mesures sanitaires seraient sévères et que les gens ne voudraient pas y adhérer, nous pourrions voir si cette non-adhésion influence le taux de transmission de la maladie, conclut Hélène Carabin. C'est important pour la santé publique, car cela aiderait à prévoir le taux de transmission et pourrait permettre de concevoir d'autres approches pour améliorer l'acceptation des mesures afin d'atténuer la propagation de la maladie.»