11/15/2024 | Press release | Distributed by Public on 11/15/2024 03:58
Les notes de travail du gouvernement Arizona en formation révèlent des projets de scission des institutions fédérales belges, touchant notamment l'Institut royal météorologique (IRM), les musées nationaux et l'aide au développement.
Vendredi 15 novembre 2024
La note Arizona, citée par Le Soir, est claire : « La note de travail visant ici les "établissements scientifiques fédéraux" (Bibliothèque royale, Institut des sciences naturelles, Institut royal météorologique, Musées royaux…, NDLR), prévoit de doter à terme chacun d'eux d' "un statut indépendant avec une autonomie maximale". » Elle mentionne également le transfert des institutions en Flandre et en Wallonie aux régions concernées, tandis que celles situées à Bruxelles seraient cogérées par les deux Communautés.
L'exemple de l'IRM, essentiel pour les alertes météo, est parlant. Son centre est basé à Uccle, en Région bruxelloise, mais d'autres installations se trouvent à Dourbes (Namur), Jabbeke (Flandre) et Wideumont (Luxembourg). Lors des inondations de 2021, l'IRM avait émis les alertes adéquates, mais les services régionaux n'avaient pas agi en conséquence. « À l'IRM, nous n'avons pas le droit de nous occuper des inondations. C'est une compétence régionale, » rappelait David Dehenauw, directeur scientifique de l'IRM et monsieur météo à RTL et VTM, après les inondations.
Au contraire de la note Arizona, la coopération devrait s'intensifier entre les institutions publiques de recherche à travers le pays, qu'elles soient fédérales, communautaires ou régionales. Une évaluation indépendante des effets de la régionalisation de la recherche est nécessaire afin de renforcer la cohérence de la recherche publique en Belgique. Avec un refinancement des institutions scientifiques fédérales.
Au contraire de la note Arizona, la coopération devrait s'intensifier entre les institutions publiques de recherche à travers le pays
La note prévoit également la création d'une agence spatiale interfédérale pour remplacer Belspo (qui regroupe les activités et établissements scientifiques fédéraux, au niveau de la Belgique donc), avec une représentation régionale et une répartition des fonds spatiaux européens. Pourquoi diviser un secteur où la Belgique, cinquième contributeur européen, a un rôle de pointe, envoyant dans l'espace des astronautes comme Raphaël Liégeois ? La main nationaliste de la N-VA apparaît ici également. Pour elle, le secteur serait devenu sous la Vivaldi, selon ses propres termes, « une voie de contrebande pour un nouveau belgicisme » ("een smokkelroute voor hernieuwd Belgicisme").
Le problème pour la N-VA ? En mai 2023, les députées Frieda Gijbels et Elke Sleurs dénonçaient un manque de soutien pour la Flandre dans les budgets spatiaux : « C'est une bonne chose que de l'attention et du budget soient consacrés à un secteur aussi important, mais les grosses parts du budget vont invariablement à la Wallonie. » La critique n'est pas tant celle d'un manque d'efficacité de Belspo mais plutôt celle de la répartition des financements, qui ne répondrait pas aux attentes des patrons de l'industrie aérospatiale du Nord du pays. C'est ce nationalisme économique qui a été le moteur principal des récentes réformes de l'État et qui a contribué à démanteler de plus en plus la Belgique comme État fédéral unitaire.
La note prévoit que des institutions culturelles fédérales telles que le Palais des Beaux-Arts et la Monnaie soient « rendues totalement autonomes et désormais pilotées par les deux Communautés dans le cadre d'un accord de coopération. » La note de travail présente de nombreuses similitudes avec les propositions électorales de la N-VA.
« Enfin, les institutions culturelles fédérales tournent en rond - une situation qui porte atteinte au patrimoine de la Flandre et de la Communauté française. » (Réaction de la N-VA sur le mémorandum de la VVBAD, l'Association flamande pour la bibliothèque, les archives et la documentation).
Mais la N-VA veut aller plus loin dans son exigence d' « autonomisation » des institutions fédérales avec le passage du statut d'institution publique à celui de société anonyme de droit public, où les régions et des acteurs privés prennent la main. Travailler à l' « autonomisation » des institutions fédérales culturelles pour placer leurs collections d'art sous une « gestion conjointe » des deux communautés permettrait ensuite de supprimer le niveau fédéral. Va-t-on répartir bientôt des chefs d'œuvre de la peinture du Musée des Beaux-Arts entre la Flandre et la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Et va-t-on introduire des acteurs privés dans la gestion de musées publics ?
Selon les projets de l'Arizona, le budget fédéral de l'aide au développement serait réduit de moitié (600 millions sur 5 ans), avec l'intention de transférer cette compétence aux Régions, sans que les moyens correspondants ne soient garantis. Cela rappelle ce qu'on a déjà vu dans le passé avec d'autres compétences scindées : diviser les compétences sert à pratiquer l'austérité.
L'ancien ministre de la Coopération Reginald Moreels souligne : « La proposition qui a été divulguée de réduire de moitié la coopération internationale au niveau fédéral et de transférer le secteur - astuce politicienne - aux communautés n'est pas une bonne idée. »
Après le climat et la santé, l'aide au développement pourrait ainsi aussi subir la division au détriment de l'efficacité.
Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD-111111, confirme : « Ce qu'essaye de faire le formateur Bart De Wever, c'est de faire d'une pierre deux coups, donc on défédéralise une compétence et puis on la tue en même temps puisqu'on ne transfère pas les budgets correspondants. » (LN 24, 30 octobre 2024) Une telle scission menacerait l'expertise et la cohérence de la politique belge, souligne le CNCD : « Une défédéralisation entraînerait aussi une dilution de l'expertise belge (…) avec 5 à 6 ministres différents poursuivant chacun leur propre politique. » Après le climat et la santé, l'aide au développement pourrait ainsi aussi subir la division au détriment de l'efficacité.
En résumé, les projets de l'Arizona, soutenus par la N-VA, visent une régionalisation de multiples compétences fédérales, qui affaiblirait des institutions solides, répondant à des intérêts économiques nationalistes plutôt qu'au développement scientifique, culturel et au progrès social.