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10/22/2024 | News release | Distributed by Public on 10/22/2024 08:46

Moins d’éclat, plus d’impact : la nouvelle donne du marché de la photographie

Moins d'éclat, plus d'impact : la nouvelle donne du marché de la photographie

[22/10/2024]

Entre excès passés et demande actuelle, le marché de la photographie ne bat plus au même rythme. À deux semaines de l'ouverture du salon Paris Photo, Artprice revient sur l'évolution de ce marché à part.

Dix ans après une flambée spectaculaire des prix, le marché de la photographie a trouvé son équilibre. La frénésie des records du début des années 2010 a laissé place à un marché plus mature et moins spéculatif. Aujourd'hui, les ventes s'accélèrent à nouveau.

Quelles sont les gammes de prix qui performent ?

Les grands noms dominent-ils encore le marché ?

Plongée dans l'évolution de ce marché en plein essor.

Sommaire

Plus de photos dans les collections

La déflation des superstars

Quand la photographie a conquis le marché

Plus de photos dans les collections

La photographie, longtemps en marge du marché de l'art, n'a vraiment trouvé sa place aux enchères qu'à partir des années 1990. À l'aube des années 2000, on dénombrait entre 7 000 et 8 000 clichés adjugés chaque année. Aujourd'hui, ce chiffre dépasse régulièrement les 20 000, atteignant un sommet l'an dernier.

En 2023 en effet, le niveau de transactions fut incomparable, avec 25 000 ventes, contre 15 000 dix ans plus tôt. Le rythme reste soutenu, avec déjà 14 000 photographies vendues de janvier à juin, laissant présager un nouveau record de ventes pour la fin de l'année. La demande s'affirme, et la photographie prend de plus en plus de place dans les collections.

Accessibilité

C'est parce que la photographie est un médium abordable par excellence - 85 % des œuvres adjugées à moins de 1 000 $ au S1 2024 - qu'il attire de nombreux acheteurs. Commencer une collection avec un budget de 1 000 $ est non seulement faisable, mais encouragé par une offre large, avec des œuvres souvent éditées, voire rééditées, en centaines ou milliers d'exemplaires. Au premier semestre 2024, ce ne sont pas moins de 11 700 photographies qui ont rejoint de nouvelles collections pour moins de 1 000 $ chacune. Dix ans après la course aux records de 2014 centrée sur les grands noms contemporains, c'est aujourd'hui la diversité des clichés abordables qui domine le marché.

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Helmut NEWTON (1920-2004), Debra Winger, Los Angeles (1983)
Photo lithographie. Tirage : 2000, 35 x 23,5 cm
Desa Unicum, Varsovie, 25/04/2024. Prix au marteau: 546 $

Modernes et contemporains sont tout aussi demandés

Outre son accessibilité d'autres atouts assurent à la photographie un succès grandissant aux enchères : sa facilité de transport et de stockage, ainsi que sa compatibilité avec les ventes en ligne, grâce à son format bi-dimensionnel. Ces images propices aux échanges ont vu leurs ventes bondir de +67 % en 10 ans.

Quant aux segments les plus prisés, les œuvres contemporaines et modernes s'arrachent presque autant, tandis que les clichés anciens se font de plus en plus rares. Le marché s'est particulièrement ouvert à la création contemporaine, un segment sur lequel les transactions ont bondi de +320 % en 20 ans, contre +193 % pour les clichés modernes.

Accélération des ventes pour la photographie moderne (entre 1920 et 1980) :

+86% entre 2003 et 2013

+57% entre 2013 et 2023

Accélération des ventes pour la photographie contemporaine (après 1980) :

+150% entre 2003 et 2013

+67% entre 2013 et 2023

Résultat mondial : fin de la course

Malgré la hausse des transactions, le produit des ventes mondial reste modéré par rapport à la décennie précédente. Ce contraste s'explique par deux facteurs : d'une part, la majorité des échanges concerne des lots accessibles, avec seulement 5 % des clichés franchissant la barre des 20 000 $. D'autre part, après une course aux records qui a profité à une poignée d'artistes contemporains, le marché s'est réajusté, privilégiant désormais une approche plus équilibrée et moins spéculative.

Évolution du produit des ventes annuel de la photographie

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À qui les millions ?

Il y a 20 ans, l'Américain Richard Prince franchissait pour la première fois le cap du million de dollars avec un immense ektachrome de sa série Cowboy (1989), adjugé 1,2 m$ chez Christie's New York en 2005. Prince pulvérisait alors le précédent record détenu par un daguerréotype rarissime de Joseph Philibert Girault de Prangey, vendu 923 000 $ en 2003.

Aujourd'hui, 80 % des photographies millionnaires proviennent d'artistes contemporains, mais près de la moitié repose sur cinq créateurs seulement. Sur les 140 clichés ayant dépassé ce seuil (au 8 octobre 2024), Richard Prince et Andreas Gursky en totalisent 32 chacun. Cindy Sherman les suit avec 21 ventes millionnaires, tandis que le duo britannique Gilbert & George en comptabilise 13.

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Joseph Philibert GIRAULT DE PRANGEY
113.Athènes, T(emple) de J(upiter) Olympien pris de l'Est (1842)
Christie's Londres, 20/05/2003 : 923 300$

La déflation des superstars

Le marché de la photographie contemporaine a radicalement changé en une décennie. Le produit des ventes mondial a chuté de moitié, atteignant seulement 24 millions de dollars au premier semestre 2024, contre 57 millions sur la même période en 2014, l'âge d'or des records pour Cindy Sherman, Andreas Gursky, Gilbert & George et Richard Prince.

Ces artistes dominent toujours le marché contemporain, mais plus avec l'éclat d'autrefois.

Il y a dix ans, certaines de leurs œuvres s'arrachaient pour 4, 5 voire 6 millions. Depuis, le marché s'est ajusté. Un exemple frappant : Untitled #93 (1981) de Cindy Sherman, dont le prix a glissé de 3,8 m$ en 2014 à 3,1 m$ en 2021, perdant 700 000 $ en seulement cinq ans.

Leurs performances annuelles sont désormais bien en deçà des niveaux d'il y a dix ans, ce qui explique la baisse générale du résultat mondial depuis : Cindy Sherman a vu ses résultats chuter de -78 % entre 2014 et 2023, Gursky de -87 %, et Prince de -80 % (concernant ses photographies, pas ses peintures).

Leur recul a permis à de noms de la photographie classique de monter en tête des classements, avec des records récents pour Richard Avedon (2020), Man Ray (2022) et Diane Arbus (2024). Aujourd'hui, les photographies les plus cotées du marché ne sont plus celles de Prince ou Sherman, mais celles de Man Ray (12,4 m$) et Edward Steichen (11,8 m$).

Top 5 des ventes de photographie contemporaine en 2014 vs 2023

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Par ailleurs, entre le pic de 2014 et aujourd'hui, le marché de la photographie contemporaine s'est considérablement diversifié, accueillant des artistes aux horizons, cultures et engagements variés. Parmi eux, Zanele Muholi, figure emblématique, que nous avons récemment mise en lumière dans notre article "3 photographes animent les collections en offrant un autre visage de l'Afrique".

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Reinhart WOLF (1930-1988), Romy Schneider (1972)
Photo Ed. 1 / 3, 41 x 41 cm
Auktionshaus Kendzia, Hambourg, 01/06/2024 : 650 $

Quand la photographie a conquis le marché

Par rapport aux marchés séculaires du dessin et de la peinture, il est bon de rappeler combien celui de la photographie est jeune. Il débute timidement dans les années 70′ avec une photographie historique en noir & blanc et de petit format.

En 1971, la société américaine Sotheby's pressent l'intérêt de ce secteur et lance son département de Photographie, le premier créé au niveau international. Il faut encore patienter une vingtaine d'années pour que ce marché prenne véritablement son essor à l'échelle mondiale.

Plusieurs évolutions marquent les années 1990. Sur le plan créatif, la nouvelle "Photographie plasticienne" part à la conquête des collectionneurs de peinture, avec ses grands formats "tableaux". Sur le plan commercial, le marché se structure avec une première foire exclusivement dédiée à la photographie. Elle est organisée en 1997 en France, et porte déjà le nom de Paris Photo.

L'année de son ouverture, Paris Photo salon attirait déjà 22 000 visiteurs. Ils sont plus de 70 000 attendus désormais entre le 7 et le 10 novembre prochain. Certains pour renouer avec de "vieux clichés", d'autres pour découvrir ce que peut offrir la création digitale, sujet d'un tout nouveau secteur sur le salon.

Paris Photo, 27e édition
du 7 au 10 novembre 2024
Grand Palais, Paris, France

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