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10/15/2024 | News release | Archived content

Prix de thèse IFPEN-ANRT 2024 : une voie de synthèse biologique pour l’anticancéreux Etoposide

Le troisième Prix de thèse IFPEN-ANRT a été décerné le 16 octobre dernier à Jennifer Perrin pour sa thèse en sciences de la vie et de la santé intitulée « Approches d'ingénierie » métabolique en levure pour la sécurisation de la production de l'anticancéreux Etoposide en Région Centre-Val de Loire » soutenue le 31 janvier 2023 à l'université de Tours. Cette thèse a été réalisée dans le cadre d'une convention CIFRE signée avec la PME Axyntis. L'entreprise, le lauréat et leurs encadrants nous éclairent sur les enjeux de ces travaux de thèse.

Le point de vue d'Axyntis

« Créé en 2007, Axyntis est une entreprise de taille intermédiaire qui travaille dans le domaine de la chimie fine et des colorants. Notre recherche s'appuie sur des collaborations avec les universités de la région Centre-Val de Loire qui ont le savoir-faire et les équipements permettant la bioconversion de molécules (c'est-à-dire la transformation d'un précurseur simple par des levures), ce qui complète notre panel d'outils en allant au-delà de la synthèse chimique conventionnelle. Plus spécifiquement cette collaboration a pour objectif d'offrir une source alternative et locale de production de précurseurs anticancéreux, à savoir l'Etoposide et la Vindoline.

Dans le cadre de notre collaboration avec le laboratoire biomolécules et biotechnologies végétales (BBV) de l'université de Tours, nous apportons nos compétences en matière de purification par chromatographie pour l'isolement des précurseurs au départ de mélanges végétaux complexes et de molécules d'intérêt à partir du milieu de culture obtenu après action des cellules usines. Ainsi, nous avons isolé une molécule qui a servi de matière première pour ses recherches.

A partir de cette molécule, BBV a alors développé et optimisé la partie ingénierie métabolique pour synthétiser des molécules de plus en plus complexes jusqu'à l'obtention, par glycosylation, du sucre recherché.

Ce projet a permis de tisser des liens très forts entre l'équipe du BBV et notre société. Cette collaboration, initiée il y a plusieurs années, se poursuit avec un APR-IR (Appel à projet d'intérêt régional) et une nouvelle thèse CIFRE.

Le dispositif CIFRE permet recruter une personne très qualifiée et de collaborer sur un projet nécessitant d'importants efforts de recherche sur une longue période. Le dispositif permet de bénéficier à la fois de l'expertise et des ressources des deux entités impliquées.

Madame Perrin a su parfaitement s'intégrer dans notre équipe R&D lors de ses périodes passées en entreprise. Elle a su faire preuve de grandes capacités d'initiative pour mener ses recherches tout en étant force de proposition pour relever les nombreux défis techniques rencontrés et en gardant à l'esprit l'aspect applicatif du projet. »
Loïc Guillonneau, responsable R & D Innovation.

La lauréate : Jennifer Perrin

Le point de vue des encadrants

Nathalie Giglioli- Guivarc'h, professeur des Universités et directrice du laboratoire du laboratoire Biomolécules et Biotechnologies Végétales, Sébastien Besseau, maitre de Conférences au laboratoire BBV (Biomolécules et Biotechnologies Végétales) et Vincent Courdavault, professeur des Universités au laboratoire BBV ont encadré les travaux de Jennifer.

Pouvez-vous nous expliquer l'enjeu principal de la thèse de Jennifer ?

Le principal enjeu de la thèse consistait à trouver un moyen de produire l'anticancéreux étoposide, sans recourir à la plante himalayenne le Podophyllum hexandrum (aussi appelée la pomme de mai) qui le produit naturellement et est aujourd'hui largement surexploitée pour générer cette molécule et de fait pratiquement en voie d'extinction. L'enjeu de la thèse était de développer une méthode alternative, par biotechnologie, de production de cette molécule afin de s'affranchir de la plante. Ainsi, notre approche consiste à d'abord identifier une partie de l'ADN de la plante qui est responsable de la production de la molécule. Ces fragments d'ADN sont ensuite transférés à d'autres types de cellules, en l'occurrence des levures de boulanger qui sont cultivées dans des bioréacteurs. Ces levures agissent comme des bio-convertisseurs permettant de transformer des molécules végétales extraites de plantes cultivables en France, à savoir des genévriers, pour produire l'étoposide. Ce processus permet ainsi de relocaliser sur le territoire les productions de certaines molécules à haute valeur ajoutée, dont les anticancéreux font partie. Ce processus de bioconversion permet in fine d'exploiter une molécule végétale déjà existante et largement accessible. Ceci évite donc de produire l'étoposide par néosynthèse à partir d'un précurseur directement dans les levures, comme la pomme de mai le fait, ce qui nécessiterait le transfert d'une très grande quantité d'information génétique.

Quel est l'apport de cette thèse pour les activités de recherche de votre laboratoire ?

La thèse a très clairement été un levier sans commune mesure pour assurer le transfert de notre expertise et le fruit de nos recherches fondamentales, reconnues depuis plusieurs années, vers des projets concrets et utiles à a société. Le développement de ce projet de sécurisation de la production de composés médicamenteux nous a également permis de renforcer de notre expertise en ingénierie métabolique et d'acquérir une reconnaissance plus large dans le secteur de la bioproduction. Enfin, les travaux et résultats de la thèse ont aussi permis un élargissement du nombre de nos partenaires nationaux et internationaux et d'accéder de fait à des projets d'envergure européenne.

Quels souvenirs garderez-vous de la collaboration avec Jennifer Perrin ?

Travailler avec Jennifer a été particulièrement agréable, efficace mais aussi très facile. Jennifer a en effet toujours été très impliquée dans son travail, et elle a fait preuve d'une motivation constante et sans faille tout le long du projet. Jennifer est de plus une personne très sympathique, dynamique et qui s'est parfaitement intégrée dans notre équipe. Elle a également fait preuve d'une très grande maturité scientifique, ce qui lui a permis de réaliser un travail impressionnant, tant qualitatif que quantitatif, doublé d'aspects multidisciplinaires. Plusieurs fois reconnue pour ses qualités d'oratrice, Jennifer a toujours fait preuve de qualités pédagogiques et didactiques dans la communication de ses résultats comme en témoignent plusieurs prix de de communications orales à des colloques. Elle a aussi parfaitement joué son rôle de lien entre Axyntis et notre équipe et a contribué à renforcer nos relations avec l'entreprise.

Quel est pour vous l'avantage du dispositif CIFRE ?

Le dispositif CIFRE a beaucoup d'avantages. Travailler en partenariat étroit avec une entreprise ne peut qu'accélérer le transfert de nos découvertes vers l'industrie. Par ailleurs cela permet une meilleure compréhension des interrogations du milieu industriel. En faisant de la recherche académique, on a des idées d'applications potentielles mais il nous manque le point de vue de l'industriel. On a privilégié un dialogue en confiance qui nous permet de mieux appréhender les questions de mise à l'échelle industrielle auxquelles nous ne sommes pas confrontés au stade du laboratoire et cela impose évidemment de nouvelles contraintes.